Les belles valeurs défendues par Kokopelli, les héros français de la semence et de l’humus libres, sérieusement égratignées.
Le témoignage paru fin mai sur le site «Le Jardin des possibles», spécialiste de la permaculture, a été largement partagé sur les réseaux sociaux et mis en lumière un livre sorti en décembre dernier, critiquant les conditions de travail dans l’association.
Des regrets «à la consternation puis à la rage»
Daniel Vivas, du Jardin des possibles, explique ainsi être passé des regrets «à la consternation puis à la rage». Les regrets, c’est sur les semences en elles-mêmes, que le permaculteur commence à commander en 2011.
«Première désillusion, bon nombre de graines potagères ne germent pas. Nous avons même quelques surprises car à la place de poivrons pousse… de la moutarde japonaise !» raconte-t-il. Un témoignage corroboré par d’autres clients de Kokopelli contacté par Daniel Vivas et sur les réseaux sociaux.
«Nous avons plus de 12.000 adhérents. Et des dizaines de milliers de gens passent commande chez nous tous les ans. Nous avons un réseau de 25 producteurs professionnels qui ne sont pas du tout contents d’apprendre que leurs semences sont critiquées par une minorité de “grincheux” qui doivent probablement avant tout se poser des questions sur leurs méthodes de semis», a répliqué sèchement Ananda Guillet, directeur de Kokopelli, dans un droit de réponse publié début juin par Le Jardin des possibles.
«Notre histoire avec Kokopelli pourrait s’arrêter là»
Comme le dit Daniel Vivas, «notre histoire avec Kokopelli pourrait s’arrêter là», ne se fournissant plus chez l’association ariégoise tout «en leur souhaitant bon vent dans leurs ‘’actions militantes’’ pour la préservation des semences anciennes». Mais c’est la découverte du livre Nous n’irons plus pointer chez Gaïa – Jours de travail à Kokopelli (Editions du bout de la ville, 2016) qui va provoquer la «rage» du permaculteur et le décider à prendre la plume pour dénoncer le collectif militant et ses fondateurs en particulier.
«D’ancien.ne.s salarié.e.s et jardinières, écoeurés par les pratiques de l’association, se sont attelés à faire la critique rare et nécessaire de cette forme particulière d’exploitation : de sa politique de management aux rapports qu’elle entretient avec les petits producteurs, de son discours new age à ses pratiques commerciales, Kokopelli est une incarnation parfaite du capitalisme vert», indique la présentation de l’ouvrage.
«Salaud de capitaliste» contre «pseudo révolutionnaires à la noix»
Daniel Vivas détaille ainsi son contenu, à l’image de cette liste de reproches faits à Dominique Guillet et son fils, Ananda: «harcèlement moral, menaces, chantage, humiliations publiques, dissuasions de toutes propositions salariales, refus des syndicats et de délégués de personnel, épiages et écoutes des conversations de salariés, interdiction de parler pendant les heures de travail, imposition d’une pointeuse, flicage à la tâche (celle de la préparation des colis notamment) pour mesurer la productivité salariale…»
Pour Ananda Guillet, c’est avant tout un conflit idéologique qui l’oppose à ses anciens salariés, «une minorité», issus du milieu «alternatif», qu’il appelle aussi «hippies» ou encore «pseudo révolutionnaires à la noix». «Ce milieu que je croyais propice à la fertilité propre à Kokopelli s’est tout de suite alerté/braqué sur le fait que nous faisions du business. Ah bon? L’argent de mon salaire ne tombe pas du ciel? Salaud! Capitaliste! Ah bon, je ne peux pas passer mes journées à discuter et boire du thé au travail? Salaud! Capitaliste! Ah bon, je n’ai pas droit à une augmentation au bout d’un mois de travail? Salaud! Capitaliste! etc.», affirme-t-il.
Aucune procédure aux prud’hommes
Le directeur de Kokopelli reconnaît n’avoir pas su gérer la situation, mais accuse ses détracteurs d’avoir refusé toute discussion, ainsi que de l’avoir menacé (des insultes ont été peintes sur les véhicules et le bâtiment de l’association entre autres). Il souligne qu’aucune procédure n’a été engagée aux prud’hommes à son encontre par ceux-ci.
Quant «aux pressions sur les petits producteurs pour baisser drastiquement les tarifs, prix préférentiels pour certains producteurs, menaces et exclusion sans appel des producteurs récalcitrants» mentionnés dans le livre, selon Daniel Vivas, Ananda Guillet répond que le témoignage ne provient que d’un seul couple de producteurs «effectivement écarté», sur la recommandation de son responsable de production et d’autres producteurs «tellement ils étaient mauvais».