Avec l’explosion du marché bio à travers le monde, les failles commencent à apparaître. C’est le cas par exemple aux Etats-Unis – il y pèse 36,4 milliards d’euros par an – où le Washington Post a publié cette semaine une enquête montrant que le lait bio américain – 5,4 milliards d’euros de ventes l’an dernier – ne l’est pas forcément toujours.
Le quotidien s’est concentré sur Aurora Organic Dairy, le géant du lait bio américain et ses 15.000 vaches dans le Colorado, qui fournissent notamment les principales enseignes de grande distribution du pays.
Il y a dix ans, il avait fait l’objet d’une plainte d’un groupe de consommateurs l’accusant de violer les règles relatives au label bio, mais le département de l’Agriculture américain (USDA), qui avait pourtant confirmé cette «violation délibérée», lui avait finalement permis de conserver sa certification après un accord.
10% de l’élevage en train de paître
Le Washington Post est donc allé voir de lui-même ce qu’il en était actuellement. En ce qui concerne le lait, l’un des principaux critères est que les vaches doivent paître quotidiennement à l’extérieur et non être confinées dans des hangars où elles s’engraissent en continu sans mettre le mufle dehors.
Or, quand l’auteur de l’enquête s’est rendu au complexe d’Aurora à trois reprises l’an dernier, les pâturages étaient constamment clairsemés, avec au mieux 10% de l’élevage entier, le reste se trouvant dans les hangars.
L’entreprise s’est défendue de toute anomalie et a répondu que ses vaches étaient réparties pour paître jour et nuit, ajoutant que l’USDA permettait différents manières de faire paître les animaux.
Du lait bio équivalent à du conventionnel
Alors le quotidien est allé plus loin en faisant faire des analyses du lait d’Aurora. Le verdict: le lait «bio» du géant laitier a les mêmes caractéristiques que du lait conventionnel. Aurora a jugé ces tests «isolés» et donc non pertinents.
Pour finir, le Washington Post a interrogé les inspecteurs qui contrôlent annuellement l’exploitation. Le problème est que l’USDA, par souci d’économie, permet aux agriculteurs de recruter et payer eux-mêmes leurs inspecteurs pour des visites programmées à l’avance afin de certifier que leur production est bio. C’est le cas d’Aurora.
Une inspection erronée
«Les inspecteurs ont-ils des preuves que les vaches d’Aurora ont satisfait aux exigences de pâturage? Il s’avère qu’ils étaient mal placés pour le savoir», dénonce le quotidien.
En effet, ils ont contrôlé l’exploitation en novembre, bien après la saison de pâturage – du printemps à l’automne. L’USDA confirme que l’inspection doit être menée durant cette saison pour vérifier que toutes les vaches sont bien en train de paître selon les règles en vigueur.
Ce type d’enquête, qui plus est à l’encontre d’une entreprise déjà condamnée, risque ainsi de semer le doute parmi les consommateurs américains qui, en ce qui concerne le lait et bien d’autres produits bio, payent le double du prix de base.