C’est un témoignage bouleversant que révèle le journal d’Emilie Monk, une Lilloise de 17 ans victime durant des années du harcèlement de ses «camarades» de classe.
Ses parents ont découvert le récit de son calvaire sur son ordinateur, peu après sa mort. Dans son texte, la jeune femme demande à ceux qui vivent la même chose qu’elle de «rester forts».
Adolescente précoce, douée, différente
Emilie était différente. Végétarienne, elle militait contre la corrida et contre la fourrure. Elle s’essayait à la méditation et cherchait dans le bouddhisme des réponses à ses problèmes. Emilie adorait la littérature, Balzac mais aussi Zola. Elle appelait ses livres «mes bébés». Ils étaient ses seuls amis, son véritable refuge.
Particulièrement douée en cours, la jeune femme voulait devenir vétérinaire. Pour aider les animaux, qu’elle aimait tant. En plus de participer à des actions militantes, Emilie donnait son argent à des associations, notamment L214. Elle réservait le reste pour offrir des cadeaux à ses proches.
Sa maturité a participé à former un décalage avec ses «camarades» de classe. «Les jeunes, à cet âge, ressemblent souvent à un vol d’étourneau qui déchiquettent un oiseau exotique échappé de sa cage sur lequel ils tombent. Emilie était première de sa classe sans vouloir l’être. Elle attirait les jalousies» insiste Ian, son père.
«Dans l’établissement où elle était, toutes les filles devaient avoir les cheveux lisses, des vêtements de marque, se maquiller. Emilie était tout l’inverse. Elle s’intéressait à la lecture, aux animaux, elle était végétarienne alors qu’autour d’elle, les jeunes portaient des fourrures» témoigne sa mère Virginie au quotidien Métro.
La jeune adolescente était scolarisée au collège Notre-Dame de la Paix de Lille. Un établissement qui arbore fièrement sur son site une devise: «Apprendre, vivre et grandir ensemble».
De la viande dans ses plats
A l’école, Emilie détestait particulièrement la pause-déjeuner. Elle devait trouver une place à la cantine, privilégiant de s’assoir près des personnes qui l’ignoreraient tout au plus. Et puis, il fallait manger, sans plaisir, et de préférence lentement, pour ne pas trop attendre dehors. On la savait végétarienne, alors on s’amusait à lui mettre de la viande dans son assiette.
Après son repas, l’adolescente se rendait au quatrième étage d’un bâtiment déserté pour terminer sa pause en lisant. «Tu as fais la moitié de la journée. Plus que l’autre. Mais demain, il faudra recommencer» se disait-elle.
«Retenir ses larmes, encore et encore»
Durant son martyre, Emilie avait trouvé un lieu de tranquillité, les toilettes. Elle y passait ses récréations. Un échappatoire éphémère, 15 minutes, avant le brutal retour à la réalité. Ce qu’elle rend compte dans son journal:
«Ce moment de paix ne durait qu’un trop court moment. J’avançais dans la cour en direction du rang de 5°2. Je voyais leurs sourires quand ils me scrutaient, je sentais leurs yeux se poser sur mes vieilles baskets, mon jean effiloché, mon pull à col roulé et mon sac à dos. J’entendis quelques « Clocharde! » Et je n’y prêtais pas attention.
Ce trajet était pour moi comme le parcours du combattant. Esquiver les coups, les croches-pieds et les crachats. Fermer ses oreilles aux insultes et moqueries. Surveiller son sac et ses cheveux. Retenir ses larmes. Encore et encore. Pendant ces infinies minutes.
– Hé tu sais pas quoi? Il paraît qu’on va décerner un prix aux intellotes les plus moches de chaque pays.
– Ah oui? poussa son voisin. Je te parie qu’on a la gagnante dans la classe!
– Mais tu sais que ça aurait vraiment pu! Malheureusement, seules les filles peuvent participer! Pas la chose qu’on a là-bas…
La classe explosa de rire. Voyant que je ne réagissais pas, il m’envoya son équerre dans la tête.
– Vous avez l’air bizarre, Emilie. Vous voulez aller aux toilettes? me demanda le prof.
Il ne manquait plus que ça.
– Tu as besoin de te soulager un peu? Cria un rigolo.
Nouveaux éclats.
– Allez un peu de calme. Reprenons.»
Aucun problème pour l’établissement
Emilie avait décidé de taire son calvaire à ses parents. Pour les préserver, par crainte de voir sa situation empirer.
«Elle ne nous a rien dit car elle avait honte. Elle ne voulait pas nous inquiéter. Elle avait aussi peur que nous alertions son collège, ce que nous aurions évidemment fait si nous avions su. L’une des phrases qui m’a fait le plus mal quand j’ai retrouvé son journal était qu’elle ne voulait pas que nous pensions avoir donné vie à une « sous-merde »» précise la mère d’Emilie.
«Nous avons rencontré le directeur de l’époque, nous avons aussi parlé à ses professeurs. Les réponses étaient toujours du type: « Ses notes sont excellentes, tout va bien ». Certains savaient, ils n’ont pas pris leurs responsabilités», ajoute-t-elle à La Voix du Nord.
«Elle a traversé nos vies comme une étoile filante»
Emilie a tenté par la suite de s’inscrire dans un lycée professionnel, où elle a été bien acceptée. Mais sa santé était trop mauvaise. Devenue phobique scolaire, elle a abandonné et a replongé dans la dépression.
Le 28 juin 1998, Emilie avait voulu arriver tellement vite dans ce monde que sa mère a failli accoucher dans l’ambulance.
Le 19 décembre 2015, Emilie Monk a décidé de le quitter tout aussi rapidement. L’adolescente s’est jetée du balcon de sa chambre. Elle est décédée après un mois de coma. Elle avait 17 ans.
Personne de l’école Notre-Dame de la Paix de Lille, où Emilie a pourtant passé 5 ans, n’est venu assister à son enterrement.
«Rester Fort», Emilie Monk (Editions Slatkine et Cie, 128 pages, 9,90€)
Tous les droits du livre sont reversés à l’association «Les Parents», qui lutte contre le harcèlement scolaire, ainsi qu’à L214, association de protection animale que soutenait Émilie.
Nb: Les parents d’Emilie ont porté plainte contre le collège et contre X. Une information judiciaire a été ouverte.